Douze ans, douze ans que j’avais pas remis les pieds à Portland. La ville qui m’avait alors accueillie quand j’étais fille au pair, le coup de cœur de ma vie. Une année forte en émotions où j’ai pu rencontrer de véritables amis avec qui j’ai gardé contact, mais aussi, un homme qui me bouleversa totalement.

La veille j’avais atterri et découvert mon nouveau chez moi. Un charmant appartement situé au centre de la ville, deux chambres et une grande pièce de vie lumineuse, tout ce que j’aimais. Une fois les pieds sur ma ville d’adoption je m’étais empressée d’envoyer un message à celle dont la famille m’avait accueilli douze ans plus tôt. Iris et moi, cela avait été une évidence. Deux sœurs que la vie ne nous avait pas données. Nous n’avions jamais cessé de nous appeler depuis cette année là. Cependant, j’avais fait la muette depuis l’annonce de ma stérilité. Un besoin de me renfermer, depuis presqu’un an maintenant. La jeune femme ne connaissait donc ni ma séparation ni ma décision de venir m’installer ici.

Lors de ces messages j’avais été tellement soulagée de constater que rien n’avait changé, qu’elle ne m’en voulait pas. Cependant, je lui devais la vérité et j’avais envie de la revoir. C’est pourquoi nous avions convenu d’une petite soirée dès le lendemain.

Ce jour là, je l’avais passé à vider mes valises. Je n’avais que très peu d’affaires personnelles mis à part mes vêtements. Pour le reste, j’avais commandé des meubles qui arrivèrent dans l’après-midi. A 16h, je me sentais enfin chez moi et enfin libre. Après un long appel à mon grand frère et des messages à mes proches, je m’étais posée sur mon balcon, admirant la vue qu’il m’offrait.

Cela n’avait rien à voir avec ma maison sur la côte vendéenne en France mais cela me correspondait tellement plus, pour le moment du moins. A 17h30, je partis de chez moi, vêtue d’une robe blanche et d’escarpins de la même teinte. En bijou je n’avais pas oublié de porter des boucles d’oreilles en or pendantes. Mon maquillage se voulait discret, je revoyais simplement une amie.

Je pris ensuite un taxi, n’ayant pas encore acheté de voiture ici et à 18h je me trouvai devant la villa d’Iris. Cela ne m’étonnait pas qu’elle vive dans le luxe, elle y avait toujours vécu. Même si cela ne me correspondait pas je trouvais son habitation ainsi que son extérieur vraiment très joli et agréable. Une fois le taxi payé, je m’avançai jusqu’au portail et sonnai à l’interphone, un peu stressée de ces retrouvailles.

Rapidement, Iris déclencha l’ouverture du portail. Je m’avançai dans la longue allée, bordée de pelouses et de lampadaires et alors que j’arrivai à sa porte, la jeune femme me prit dans ses bras. Je fus soulagée que, même de visu rien n’avait changé entre nous. « Iris ! Je suis contente de te revoir aussi. Le voyage s’est très bien passé ! Tu as gardé la villa de ton père finalement ? » lui répondis-je avant d’entrer chez elle. Une vaste pièce lumineuse à souhait. Il était vrai qu’on s’y sentait bien dès le premier abord. J’aimais les pièces lumineuses et épurées. Cela expliquait également le fait que je n’avais pas prévu de passer des heures dans des magasins de déco pour mon appartement. De sa baie vitrée on tombait sur une grande terrasse ainsi qu’une piscine creusée, tout en longueur. Je n’aimais pas les extravagances mais il fallait avouer qu’elle avait fait du bon travail. Nous venions de deux milieux totalement différents et nous étions pourtant si proches.

Je me souvenais encore de son appel pour le décès de son père. J’avais d’ailleurs voulu prendre un vol pour me rendre aux obsèques ne voulant pas laisser Iris seule dans ces moments. Mais mon patron avait refusé ce congé, appuyé par mon petit ami qui ne voulait pas que je quitte le domicile pour raisons personnelles sans lui. Naïve à l’époque, je lui avais donné raison et avait envoyé une carte à Iris pour mes condoléances.

Je me retournai ensuite vers la brunette pour m’excuser à nouveau. « Désolée de ne pas avoir répondu à tes messages et appels, j’ai eu une année un peu compliquée. » lui dis-je alors. Une année tellement riche en émotion pour moi et en même temps l’année qui signait ma renaissance. Se rendre compte au bout de dix ans que je m’étais enfermée dans une vie qui ne me correspondait pas n’avait pas été simple à accepter. Je ne saurais pas dire aujourd’hui pourquoi je m’étais empêtrée dans tout ça. La peur de décevoir sans doute, pourtant, mes parents avaient été tellement compréhensifs à l’annonce de notre séparation que je m’en voulais aujourd’hui d’être passé à côté de ma vie et peut-être du véritable amour.

Iris n’était vraiment pas rancunière et j’étais ravie de la revoir. Elle m’avait pris dans ses bras avant me dire que j’étais là et que c’était le principal. Elle me proposa à boire, ayant visiblement de quoi faire dans son frigo. « Je veux bien un verre de vin rouge si tu as s’il te plait. » lui demandai-je alors. J’aimais le vin même si je n’en abusais pas, je n’étais pas très sodas et autres jus.

Iris me demanda de rester manger, insistant sur le fait que nous avions du temps à rattraper. « Avec plaisir ! Ca fait tellement longtemps ! Tu vis seule ici ? » la questionnai-je par la même occasion tout en la regardant. Je pris alors le verre qu’elle me tendit, la remerciant d’ailleurs.

« Alors, mme l’avocate, ça fait bizarre de dire ça, pas trop dur comme boulot ? » Elle avait tellement changé du tout au tout et j’étais vraiment contente pour elle qu’elle s’en soit aussi bien sorti. Iris avait du se prostituer à l’époque, et aujourd’hui, elle était une avocate réputée d’après ce qu’elle m’avait dit. Si je devais écrire un article sur une reconversion professionnelle étonnante mais réussie, je la choisirais sans hésiter.